La chartreuse de Pesio
Il vaut mieux à jamais ignorer la lumière
Dont le rayon nous éblouit,
Plutôt que d’entrevoir sa clarté passagère
Et de retomber dans la nuit.
Plus sombre en est le ciel, et noire l’avenue
Illuminée un seul instant,
Quand l’éclatante flèche a traversé la nue
Et qu’a disparu l’astre errant.
Le poète l’a dit : « Il n’est pire souffrance... »
Et je le redis avec lui :
Bien plus profonde encore est la désespérance
Après que l’espérance a lui.
Aussi, bientôt lassé, la marche défaillante,
Je tomberais sur le chemin,
Si, bien loin dans la nuit, une étoile tremblante
Ne souriait au pèlerin.
Est-ce déjà le ciel, est-ce encore la terre ?
Quand l’atteindrai-je ? Je ne sais ;
Mais elle me suffit ; tout meurt, tout est mystère,
Dieu reste, – et c’est assez.
Comtesse de CHAMBRUN.
Paru dans L’Année des poètes en 1893.