Dame du paradis

 

 

La route était bien longue et la nuit bien profonde,

Tout mon corps est lassé, mes membres engourdis ;

Je suis venu de loin, brisé, fuyant le monde...

Me voici devant vous, Dame du Paradis.

 

Je tombe à vos genoux ! Vous êtes toute pure

Tandis que j’ai traîné ma vie en des chemins

Où je n’ai rencontré que honte et que luxure,

Plaisirs amers suivis de tristes lendemains.

 

Ayez pitié de moi, Vierge, vous êtes bonne,

Et moi je suis méchant, plein de haine et d’effroi ;

Je n’ai rien dans le cœur et je n’aime personne.

Enseignez-moi l’amour car je tremble et j’ai froid.

 

Vous serrez votre Enfant sur votre sein, ô Mère...

La mienne, dans ses bras, jamais ne m’a tenu.

Baisers menteurs, hélas ! et tendresse éphémère,

Voilà le bien, le seul, qu’ici-bas j’ai connu !

 

Et je m’en suis allé, plein de désespérance,

J’ai pleuré... puis, riant du rire de Satan,

J’ai fui, grinçant des dents pour masquer ma souffrance,

J’ai cherché le plaisir, ce fou, ce charlatan !

 

Je l’ai trouvé, mentant, grimaçant, misérable

Fantoche, se faisant passer pour le bonheur...

Vierge, il n’est d’autre main que la vôtre, adorable,

Pour calmer mon remords et guérir ma douleur.

 

Vers vous, je tends les bras, car vous êtes si belle

Que le matin ne peut vous être comparé,

Le doux matin bercé d’un chant de tourterelle,

Le frais matin chauffé d’un beau rayon doré.

 

L’eau claire du plus clair des lacs est moins limpide

Que votre clair regard. Le ciel, en sa splendeur,

Près de votre beauté me paraît insipide

Et le lis éclatant a perdu sa blancheur !

 

Un sourire de vous fait éclore la rose,

Miracle de fraîcheur, sur un sol désolé.

Comme un plant desséché qu’une eau de source arrose,

Mon pauvre cœur renaît quand vous avez parlé.

 

D’un écrasant fardeau, joyeux, je me libère ;

Sur moi, vous vous penchez : tout allégé soudain,

Je marche et je revis, et je crois, et j’espère...

Oh ! douceur ! vous prenez ma main dans votre main !

 

Au son de votre voix, une harpe divine,

Dans mon âme éperdue a bientôt résonné.

En moi grandit l’espoir. Ébloui, je devine

Que, puisque vous priez, le Ciel m’a pardonné !

 

 

 

Claude CHAMBELÈVE.

 

Paru dans la revue Marie

en janvier-février 1951.

 

Poème couronné par le Syndicat

des Journalistes et Écrivains,

France, 1950.

 

 

 

 

 

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