La prière
Traduit de Théodore Aubanel.
(La Miougrano entreduberto).
EN avez-vous gardé mémoire ?
À genoux au bord du chemin,
Vous faisiez devant l’oratoire
Votre prière du matin.
Prière douce, tendre, antique !
Moi, par hasard, j’étais venu ;
En entendant votre cantique,
Je m’arrêtai là tout ému.
Derrière un massif de verdure
Je me suis caché. Votre voix
M’arrivait très douce et très pure ;
Elle disait : « Ô belle croix,
Ô pierre sacrée,
Belle, ô belle croix
Soyez honorée
Par les fleurs des bois.
Jésus-Christ écoute
Le rossignolet
Et son sang dégoutte
Comme un ruisselet.
Saufs du Purgatoire,
Ô saint Crucifix,
Donne-nous la gloire
De ton Paradis... »
Quand votre oraison fut finie
Je tombai moi-même à genoux
Et vous dis : « Vous êtes bénie
Et je veux prier comme vous. »
Et vous, noble et nullement fière,
Vous m’avez alors sur-le-champ
Donné votre gente prière
Comme l’oiseau donne son chant.
Votre prière, ah ! qu’elle est belle !
Ils avaient la foi, nos anciens !
Quand je la dis, Mademoiselle,
Je songe à vous et me souviens.
Voilà pourtant votre écriture
Là sur ce joli papier blanc :
Votre main qui n’est pas bien sûre
Monte puis descend en tremblant.
Près d’une pauvre fleur fanée,
Petite fleur que cet été
Vous m’avez gentiment donnée,
Je la conserve avec piété.
C’est peu de chose, en apparence,
Ce bout de papier, cette fleur ;
Eh bien ! j’en fais la confidence
Rien pour moi n’a plus de valeur !
Maurice CHAMPAVIER.
Paru dans La Sylphide en 1898.