Chant d’amour
Que me disiez-vous donc, philosophes sévères,
Dans vos livres tout pleins de doctrines amères :
« Que notre vie est triste et que la mort vaut mieux. »
À vous approfondir j’ai coulé bien des heures,
Mais vos leçons pour moi n’ont été que des leurres,
Et m’ont avant l’âge fait vieux.
Vous aviez fait en moi mourir toute espérance,
Et donné seulement le doute et la souffrance,
Quand je vous demandais le secret du bonheur.
Et je traînais des jours découragés et sombres,
Et comme vers le soir le ciel se couvre d’ombres,
La nuit s’était faite en mon cœur.
Oh ! pour nier ainsi l’espérance et la vie,
Et les mystères purs qui font l’âme ravie,
Vous n’aviez point aimé, peut-être, pauvres fous.
À quoi bon vos leçons ? L’ange chéri que j’aime,
Avec son doux sourire et son regard suprême,
En sait plus long que vous !
Avec vous je suivais une funeste route ;
Près de vous, tourmenté sans cesse par le doute,
Mon cœur était en proie à des songes affreux,
Mais près d’elle, aujourd’hui, oubliant sa détresse,
Je le sens qui renaît, charmé par sa tendresse.
Je suis aimé ! Je suis heureux !
1876.
Édouard CHANOT,
Sourires et pleurs, 1891.