Noël d’Amour

 

 

          Hommage d’amitié au délicat poète E. DUMONT.

 

 

                           I

 

C’était une pauvre chaumine,

Au toit inégal, que l’hiver

Avait de son manteau d’hermine,

Flocon par flocon, recouvert.

 

Le givre avait mis sa dentelle,

Aux ailes du pignon troué,

Et brodé le nid d’hirondelle,

Qu’un rouge-gorge avait loué.

 

Aux vermoulures de la porte,

L’on voyait par instant briller

Étoiles d’or qu’un souffle emporte –

Les étincelles du foyer.

 

Le gel, qu’un rayon pâle irise

De ses pendentifs de cristal,

Accrochait à la paille grise,

Comme un feston oriental.

 

Par les lèvres du Nord baisées

– Loin des printemps ensevelis !

Les vitres d’antiques croisées,

Resplendissaient d’étranges lis.

 

Tout était blancheur et mystère,

Cependant qu’âmes du ciel pur,

Les astres, sous la bise austère,

Semblaient grelotter dans l’azur.

 

Car c’était Noël – Nuit sereine !

Folle ivresse des carillons !

Qui souriait, céleste reine,

Sur la chaumière et ses haillons.

 

 

                           II

 

Minuit !... Douze longues fois pleure

L’horloge de vieux cuivre usé...

Ô triste égouttement de l’heure,

Près du pauvre, dans le passé !

 

Alors se dresse sur sa couche,

Une épouse, bien jeune encor !...

« Noël » a murmuré sa bouche,

Nom des deux aux syllabes d’or !...

 

Elle est seule ! la guerre infâme,

soient ceux qui la font maudits !)

Rendit veuve la pauvre femme,

Après six mois de paradis ;

 

Veuve, car depuis une année,

D’attendre, bien mort son espoir,

Elle sonde, âme consternée,

L’avenir comme un gouffre noir.

 

Malgré le glas dont son cœur sonne,

Vers le Noël qui plane aux cieux,

Elle tend sa main qui frissonne...

Dans l’infini s’ouvrent ses yeux !...

 

 

                           III

 

Ah ! que divine est la prière !...

La porte s’ouvre, une blancheur

De neige remplit la chaumière,

Et voici qu’entre un voyageur.

 

Muet vers la couche il s’élance,

Mais la voix de son cœur puissant,

Bat son amour dans le silence...,

Ô divin Noël !... C’est l’absent !...

 

Ce fut tout : les lèvres mêlées

D’aube emplirent l’humble logis...

Jésus, des plaines étoilées,

Ouvrait ses petits doigts rougis,

 

Et l’on voyait de ces doigts roses,

Ô doux Noël des cœurs brisés !

Neiger sur le chaume des roses,

Pour un réveillon de baisers !...

 

 

 

Gaston CHANTRIEUX.

 

Paru dans La Jeune Picardie en 1900.

 

 

 

 

 

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