La prière de la religion
Seigneur, roi du Ciel, ô mon père,
Toi dont le nom n’est rien qu’amour,
Donne un peu de bonheur sur terre
À tes créatures d’un jour.
Donne à tous ce qui fait la vie,
Donne à chacun ce qu’il envie :
À l’hirondelle un coin pieux
Dans le clocher de ta demeure,
Au sombre abandonné qui pleure
Une main pour sécher ses yeux !
Donne les grappes à la treille
Et les chansons au passereau,
Le sein des roses à l’abeille,
Au brin d’herbe sa goutte d’eau ;
Arrache à l’esclave ses chaînes
Et donne la fin de ses peines
Au malheureux qui veut mourir.
Donne aux fleurs, astres de l’aurore,
Le rayon qui les fait éclore
Et les doux baisers du zéphir.
Donne à celui qui te repousse
Tout ce qu’il demande en ses vœux ;
Donne à l’oiseau son nid de mousse
Pour abriter ses tendres œufs.
Donne à la pâle violette
Son humble et paisible retraite,
Sous la feuillée, au fond des bois ;
Garde et protège les chaumières ;
Mets le bonheur au cœur des mères
Et la justice au bras des rois.
Accorde au faible ta défense ;
Donne aux bois le vent du matin,
À ceux qui souffrent, l’espérance,
À ceux qui sont pauvres, leur pain.
Donne à l’insensé qui te nie,
Au méchant qui te calomnie,
Ta clémence, ô père éternel,
Donne un brin d’herbe à la colombe,
À ceux qui dorment sous la tombe
Leur pardon et la joie au Ciel !
1873.
Édouard CHANOT,
Sourires et pleurs, 1891.