Le Christ
On marche. On a peiné. Mais, là-bas, au détour,
S’abrite, reconquis d’hier, un clair village.
La halte y sera douce. Et l’on reprend courage.
On aperçoit déjà le Christ du carrefour.
La horde au premier seuil a marqué son passage.
Toit calciné, porche croulant, façade à jour.
Des cadavres d’enfants, de femmes, dans la cour,
Et la croix du chemin, ah ! l’effroyable image !
Le Dieu gît en morceaux dans l’herbe du fossé ;
Mais par un autre aux bras du gibet remplacé :
Un petit soldat, mort, un fantassin de France,
Torse nu, front sanglant, de chardons couronné.
Les gueux l’ont cloué là. Criminelle démence !
Car le vieux Christ de bois peut-être eût pardonné.
Jacques CHANU, La Couronne héroïque : Au Front.