Je n’écrirai jamais en tête de ma vie...

 

 

Je n’écrirai jamais en tête de ma vie les mots « Dieu seul »,

 

Car je ne Vous sépare point, mon Dieu, de l’amour humain, de la beauté de cette terre,

 

Je Vous sens partout, dans la fleur, dans le grand arbre, dans les anciennes pierres,

 

Vous m’attendez, mon Dieu, jusque dans le linceul.

 

Il n’est rien qui ne vienne de Vous et, pur reflet de Vous, qui ne nous éblouisse !

 

Tout m’est joie, le fruit, le soleil, la verdure, l’eau brillante qui court,

 

Le vers harmonieux, le livre ému, le rond doré de l’abat-jour,

 

Le bébé inconnu qui rit, et dans le ciel incomparable un lent nuage qui glisse...

 

Tout m’est joie, et même la lutte, la peine, l’amertume, l’effort

 

Parce qu’ils me viennent de Vous qui m’avez créée pour le monde,

 

Non, je ne dirai point « Dieu seul » mais Dieu et tout, Dieu à la ronde

 

Car Vous remplissez de votre souffle cette terre où la vie jaillit même de la mort

 

Ô mon Dieu, augmentez en moi cette joie qui est amour et cet amour qui dans la joie ne cesse de renaître

 

Et permettez qu’en appuyant sur la pointe qui parfois me transperce la chair

 

Je Vous sente encor là, sous cette déchirure, au centre de mon mal et dans le fer,

 

Comme ma seule raison d’être !

 

 

 

Henriette CHARASSON.

 

Extrait de Sur la plus haute branche, Flammarion.

 

 

 

 

 

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