Les aspirations
Aux collaborateurs de la Muse des Familles.
L’homme ne vit pas seulement de pain !
(SAINT-MATTHIEU, chap. IV.)
Oh ! non, – pour acquérir le noble droit de vivre,
Non ! – nous ne devons pas nous borner à poursuivre
Le vulgaire bonheur des biens matériels !...
Pour de plus hauts destins Dieu créa les mortels.....
L’homme, – fils de la Nuit, – né d’un grain de poussière,
Est fait pour s’approcher toujours de la lumière !
..... Il est grand ! – Des hauteurs du céleste séjour
Dieu l’a fait immortel par un besoin d’amour !...
Un cœur bat dans son sein : – Il voit, il sent, il pense !...
Sur son front est gravé le mot : – INTELLIGENCE !.....
Il peut faire le bien, – il est beau de le voir
Consacrer tous les jours au culte du devoir...
Son pied touche le sol, – mais son regard s’élève
Au ciel où tout commence, – au ciel où tout s’achève !...
Eh bien ! – de nos destins sachons donc la grandeur !
Ne laissons point s’éteindre, au fond de notre cœur,
Le feu pur et sacré qui le brûle et l’anime !...
À nos œuvres, toujours, – donnons un but sublime,
Puisqu’il ne suffit pas, – Dieu lui-même l’a dit, –
De nourrir notre corps, – mais plutôt notre esprit !...
Et que l’amour du vrai, que la pensée emporte
Vers le beau, vers le bien, cette jeunesse forte,
Fière d’appartenir à notre beau pays,
Qui de lauriers de gloire a couronné ses fils !...
... Qu’on la voie aujourd’hui, – notre belle jeunesse –
Comme on vit autrefois les enfants de la Grèce, –
Dans de vastes jardins, – sous des dômes de fleurs,
Aux eaux de la science ils abreuvaient leurs cœurs... –
Elle aussi, qu’elle puise à la source bénie !
Qu’on entende sa voix, – pleine de l’harmonie
Qui fait notre langage et si pur et si fort, –
S’élever pour chanter, dans un noble transport,
Les hautes vérités que Dieu nous fit connaître,
Et les humbles vertus qui se cachent peut-être !...
... Mais aussi puisse-t-elle à jamais les flétrir
Tous ceux à qui la gloire a promis l’avenir,
Et qui souillent, hélas ! – qui traînent dans la fange
Les immortels lauriers que leur donnait cet ange !...
– Mais vous qui comprenez, – vous qui n’oubliez pas
Pour quelle mission nous sommes ici-bas,
Qui fondez aujourd’hui la Muse des Familles
Où l’esprit se lira sous toutes les charmilles, –
Oh ! nous vous saluons !... Votre noble cité,
Verra grandir par vous son immortalité !...
Vous cherchez le Progrès, – vous cherchez la Lumière,
Sans crainte, oh ! parcourez l’arène littéraire !...
Allez ! – Il est encor bien des fleurs à cueillir,
Dans le chemin que tous – nous devons parcourir !...
Sous les débris du Temps, – les feuilles desséchées, –
Vous trouverez encor bien des perles cachées !...
Allez ! – Et dérobez aux fougueux aquilons
Tous les épis dorés laissés dans les sillons !...
Nous vous applaudissons, – et la Muse naissante,
Chaque jour deviendra plus forte et plus puissante.....
Quand, plus tard, – de la Muse, – en franchissant le seuil,
Vous sentirez, en vous, un légitime orgueil...
Peut-être ouvrirez-vous le Temple de Mémoire,
Au Génie inconnu que délaissait la Gloire.
Vous verrez par vos soins s’élever dans les airs
L’arbre de la science aux rameaux toujours verts...
Le lecteur fatigué pourra sous son ombrage
Quelquefois oublier les douleurs du voyage !
Il cueillera son fruit et si pur et si doux, –
Puis, en le savourant, il dira : – Gloire à vous.....
Vicomte de CHARNY.
(K. de R.)
Paru dans La Muse des familles en 1858.