La Création
Grand Dieu ! j’ai médité ta parole sublime,
Et j’ai vu ton esprit voltiger sur les eaux ;
J’ai vu ton bras puissant commander à l’abîme ;
J’ai vu percer le jour dans la nuit des tombeaux.
J’ai vu le Firmament surgir du fond des ondes,
(Ce Firmament si pur que tu nommas le Ciel !)
Sous ton souffle fécond, j’ai vu naître deux mondes,
Dont l’un s’efface et meurt, et l’autre est immortel.
J’ai vu, Seigneur, j’ai vu tout l’élément humide
Creuser en un clin d’œil le vaste lit des mers ;
J’ai vu le sol stérile et la nature aride
Couvrir leur nudité des arbres les plus verds.
J’ai vu l’astre des jours marquer dans sa carrière
Les semaines, les mois, les ans et les saisons ;
J’ai vu l’astre des nuits de sa blanche lumière
Refléter à mes yeux les suaves rayons.
J’ai vu ta main s’étendre, et soudain tout l’abîme
À mes yeux s’est peuplé de millions d’habitants.
Des arbres du désert j’ai vu ployer la cime,
Sous les folâtres jeux des hôtes du printemps ;
À ta puissante voix, le grand désert du monde
S’animer, s’enrichir comme l’air et les eaux ;
Les animaux répondre à ta voix si féconde ;
Puis tu parus, Seigneur, rentrer dans ton repos.
Mais non, il faut un roi dans ton sublime ouvrage ;
Qui te verra sans lui, sans lui qui t’aimera ?
Fais l’homme, ô Créateur, fais l’homme à ton image,
Et dans l’éternité l’homme te bénira.
André-Romuald CHARRIER.
Paru dans Les Mélanges religieux en 1841.
Recueilli dans Les textes poétiques du Canada français,
vol. IV, Fides, 1991.