Deux petits hommes
Deux petits hommes vêtus de blanc poussent leurs brouettes dans le jardin.
Comme il fait chaud, on les a mis dehors de grand matin,
Auprès de l’ancien canal où s’élance encore tant de roseaux.
Je n’entends rien, que leurs deux gazouillis et ce ronron si frais de la chute d’eau,
Il fait si calme que les peupliers remuent à peine leurs branches sensibles,
Pas un souffle de vent, pas un chant d’oisillon, pas un murmure dans ce monde paisible.
Deux petits hommes vêtus de blanc poussent leurs brouettes dans le jardin,
En leur enclos à eux, limité par des branches de saule, fichées en terre ainsi que des rondins,
Deux têtes blondes se détachent devant moi sur un fond de verdure,
L’une dorée comme le bronze neuf et l’autre : d’un or pâle comme le raisin qui est tout à fait mûr...
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Est-ce qu’on peut rien vous demander de plus beau que ces papillotements du soleil à travers les branches,
Et ces deux petits garçons blonds dans leurs petites blouses blanches,
Et ces prairies rousses et vertes, et ce chant frais de l’eau qui court,
Et ce silence peuplé, et cette attente paisible de la nuit qui succède au jour
Et de la mort qui succède à la vie selon le rythme de Dieu ?
Je le sais bien, que tout ce bonheur-là vous pouvez me le disperser en le soufflant comme je souffle sur un cheveu,
Mais je n’ai peur de rien puisque je m’en remets pour tout à votre miséricorde,
Et je dis que tout ce que vous voudrez sera sûrement comme il faut pour l’ordre.
Mais je dis ça, mon Dieu, en espérant que vous voudrez bien me laisser encore un peu tout mon butin...
Deux petits hommes vêtus de blanc poussent leur brouette dans le jardin.
Henriette CHARASSON, Deux petits hommes et leur mère, Flammarion.
Recueilli dans Les poèmes du foyer.