Sous les cyprès

 

ROMANCE.

 

 

Elle est au ciel !... avec sa robe blanche,

Avec des fleurs, blanches fleurs du cercueil,

Elle partit, mains jointes, un dimanche,

Pâle, au milieu d’un cortège de deuil.

Mourir si jeune et se savoir aimée !

Sans doute au ciel les anges sont jaloux.

Sous les cyprès, sur la tombe fermée,

Vierge aux yeux bleus, je viens penser à vous !

 

Là, près de moi, je crois revoir encore

Ce front si beau de jeunesse et d’amour,

Qu’eût sur la terre un ange que j’adore,

Avant qu’il fuît au céleste séjour.

Dieu lui donna des ailes de colombe,

Mon cœur en est le plus triste de tous !

Sous les cyprès, sur cette froide tombe,

Vierge aux yeux bleus, je viens penser à vous !

 

Même du ciel où Dieu vous voit si belle,

Doit me venir votre amour innocent :

Sans doute au ciel un cœur reste fidèle,

J’en crois mon âme, et mon âme le sent !

 

Prodiguez-moi, vous toujours adorée,

Votre sourire et vos regards si doux !

Sous les cyprès, sur la tombe sacrée,

Vierge aux yeux bleus, je viens penser à vous !

 

Mais non, sans vous, rien n’est beau sur la terre ;

Ni les monts bleus, ni les fleurs au soleil ;

Votre cœur manque à mon cœur solitaire,

Et de la mort maintenant j’ai sommeil.

Pour vous revoir, si Dieu veut que je meure,

Oui, de la mort je bénirai les coups !

Sous les cyprès, jusqu’à ma dernière heure,

Vierge aux yeux bleus, je veux penser à vous !

 

 

Auguste CHASTAN.

 

Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1860.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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