La barbarie

 

 

Mes longs sommeils d’enfant, jadis, étaient hantés

De spectacles de guerre inconnus à mon âge :

Chevaux sans cavaliers chargeant, ensanglantés,

Fleuves que les vainqueurs traversaient à la nage,

 

Assauts étourdissants, clairs étendards plantés

Aux flancs des vieux châteaux donnés en apanage,

Officiers amoureux, tombés, fiers et gantés,

Devant les escadrons qu’ils menaient au carnage.

 

Les combats d’aujourd’hui n’ont plus cet idéal.

Sombre holocauste offert au riant floréal,

Les rois s’en vont mener le peuple à la tuerie.

 

Tandis que périront dans le sang et le feu

Le progrès sans espoir et le pouvoir sans Dieu,

Muse, remonte au ciel : voici la Barbarie !

 

 

 

Louis de CHAUVIGNY.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1890.

 

 

 

 

 

 

 

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