Légende dorée

Sonnet Coll’Tornello.

Simplicité du cœur, l’amour te divinise,

Témoin ce trait narré par un pieux auteur :

Un jour qu’il traversait les marais de Venise

Avec un paysan choisi pour conducteur,

Celui que Dieu marqua, le doux François d’Assise,

Entendit dans sa route un concert enchanteur.

C’étaient linots, tarins qui sur un vieux cytise

Rendaient à leur manière hommage au Créateur.

« Voyez, ce sont nos sœurs que ces bêtes ailées,

Et plus que bien des gens la plupart sont zélées

À prier tous les jours. Donc, arrêtons-nous là.

L’heure de vêpres sonne et l’endroit est propice,

Allons jusqu’à cet arbre et disons notre office. »

C’est ainsi, paraît-il, que le bon Saint parla.

Aucun oiseau ne s’envola.

Ils ne chantaient que mieux ; on ne pouvait s’entendre :

« Fils du ciel, leur dit-il, d’un ton grondeur et tendre,

Il faut se taire pour apprendre.

Dieu parle en ces versets que je vais réciter :

Mes frères les oiseaux, cessez donc de chanter. »

Or, sur-le-champ, tous d’écouter,

Alignés à ses pieds, attentifs, en silence,

Le bec ouvert, le cou droit comme un fer de lance,

Pas même un seul qui se balance,

Pas un qui se retourne ou qui songe à son nid !

Après Magnificat, lorsque le Saint finit,

Il les caressa, les bénit.

Alors, dans cet Éden bleu de l’Adriatique,

Les oiseaux à leur tour lui dirent leur cantique.

Louis de CHAUVIGNY.

Paru dans L’Année des poètes en 1890.