Créateur et créatures

 

 

                        What a joy it is to be a creature !

                        What a glory to have a Creator !

                                                           F.-W. FABER.

 

ALORS que souriant à la belle nature,

Le soleil la revêt de sa robe de fleurs ;

Quand, jeune fiancée, à sa verte ceinture,

Brillent mille rubis de diverses couleurs ;

 

Quand son voile flottant est parsemé de roses,

De pavots, de bluets, de lilas et d’iris,

De perles du printemps fraîches et demi-closes,

D’élégants boutons d’or, de fleurons et de lys ;

 

Quand le zéphir chantonne à travers les feuillages ;

Quand l’air est tout rempli de parfums et de voix ;

Quand on entend, parmi les mystérieux ombrages,

De doux frémissements dans le fond des grands bois ;

 

Quand Celui qui peut seul faire les nuits sans voiles ;

Quand Dieu semble avoir mis, dans les cieux, plus d’azur,

Plus de douces clartés dans les blanches étoiles,

Dans la Reine des soirs un reflet bien plus pur ;

 

Quand chaque être prend part à cette fête immense ;

Quand l’hymne universel retentit en tout lieu...

L’homme tombe à genoux ; plein de reconnaissance,

Il achève, lui, l’hymne en adorant son Dieu !

 

– Ô Roi des deux, ô notre Maître,

Dont la vie est l’Éternité,

La mesure, l’Immensité,

Et le nom mystérieux, l’Être !

 

Vous avez, au premier des jours,

Jeté dans l’espace les mondes,

Creusé leur lit aux grandes ondes,

Et décrit des astres le cours.

 

Comme un voile, sur les fronts chauves

De tous les monts, géants altiers,

Vous avez posé les glaciers,

Où plane l’aigle aux ailes fauves.

 

Au flanc des arides coteaux,

Vous avez mis les forêts sombres,

Pleines de mystères et d’ombres,

Où, l’été, chantent les oiseaux.

 

Le lac vous doit ses eaux paisibles,

L’océan, ses flots courroucés,

Le rossignol, ses chants perlés,

Le tonnerre, ses voix terribles ;

 

Ses larges ailes, le condor,

La colombe, son cou d’albâtre

Et la demoiselle folâtre,

Ses quatre ailes d’azur et d’or.

 

Ô mon Dieu, pourquoi ces merveilles ?

Ce temple et ce dôme éclatant,

Qui sur nos fronts joyeux s’étend,

Parsemé de perles vermeilles ?

 

Pourquoi ces fleurs et ces chansons ?

Et pourquoi ces décors sublimes,

Et ces pics dont les fières cimes

Découpent les bleus horizons ? –

.   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .

 

Pourquoi donc ? Au milieu des gloires éternelles,

Dans la beauté sans fin d’où vient toute beauté,

Plonge dans l’Océan des splendeurs immortelles,

N’étiez-vous pas à vous votre félicité ?

 

Oui, mais vous êtes bon ! Votre voix souveraine

Féconda le néant du Fiat créateur.

L’homme, Pontife et Roi de ce vaste domaine,

Ne doit pour vos bontés que vous aimer, Seigneur !

 

 

 

Ferdinand CHENU.

 

Recueilli dans Le Parnasse contemporain savoyard,

publié par Charles Buet, 1889.

 

 

 

 

 

 

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