L’immortalité de l’âme
L’homme, par ses désirs sans cesse tourmenté,
Vers un bonheur sans fin est sans cesse emporté ;
Et pourtant le dégoût l’accable et le dévore !
Placez-le sur le trône, il y soupire encore !...
« Est-ce tout », s’écriait, en voyant Rome aux fers,
L’ambitieux César, maître de l’univers ?
N’est-ce pas là le cri de cette âme immortelle,
À qui, dans ses ennuis, sa grandeur se révèle ?
Mille preuves en foule ici viennent s’offrir.
Si l’agneau ne sait pas qu’un jour il doit mourir,
N’est-ce pas, en effet, que la bonté céleste
Voulut aux animaux cacher leur mort funeste,
Et ce terme qui doit leur ravir sans retour
Le présent de la vie et les bienfaits du jour ?
Mais l’homme, que réclame une illustre origine,
L’homme qui fut créé pour une fin divine,
Peut connaître qu’un jour il doit subir la mort,
Car les cieux au temps seul n’ont point borné son sort.
Quand je sonde, en effet, les secrets de mon être,
Puis-je en douter ? En moi pourrais-je méconnaître
Un exilé du ciel, un illustre étranger,
Sur ce globe d’argile un moment passager ?
Voyageur fugitif dans cette courte vie,
Oui, l’homme doit revoir sa divine patrie ;
Le tombeau la lui rouvre, et l’héritier du ciel
En plongeant dans la mort se relève immortel.
CHÊNEDOLLÉ.
Recueilli dans Choix de poésies
ou Recueil de morceaux propres à orner la mémoire
et à former le cœur, 1826.