Psaume
(FRAGMENT)
Seigneur qui vois mes pleurs, exauce ma prière,
Que mes cris montent jusqu’à toi.
Ne m’ôte pas, mon Dieu, ta divine lumière ;
Dans mes pressants besoins, Seigneur, écoute-moi.
J’implore ton secours, je t’appelle à mon aide,
Je sais que de mes maux, toi seul es le remède,
Tu connais les tourments dont mes sens sont frappés,
De mes os desséchés l’humeur est consumée
Et, comme se dissipe une faible fumée,
Mes tristes jours sont dissipés.
De même que l’on voit par le soleil fanée
L’herbe mourante et sans vertu,
Ainsi je sens mon cœur de tristesse abattu,
Ainsi de sa vigueur mon âme abandonnée
Succombe sous le faix de mes vives douleurs ;
Mes immortels regrets, mes sanglots et mes pleurs
Me tiennent lieu de nourriture ;
Mes os sont collés à ma peau
Et je n’ai plus que la figure
D’une ombre qui sort du tombeau.
Persécuté de tous, faudra-t-il que je meure ?
Semblable au pélican qui cherche les déserts
Ou comme cet oiseau poursuivi dans les airs,
Qui des plus sombres lieux fait sa triste demeure :
Ainsi qu’un passereau sur un toit gémissant
Dès les premiers rayons du grand astre naissant,
Mes lugubres cris se répandent.
Tandis que des cruels nous tiennent oppressés
Et dans leur rage me demandent
Les restes malheureux des jours qu’ils m’ont laissés.
De cendre au lieu de pain ma vie est soutenue,
Mon breuvage est mêlé de pleurs,
L’accablement de mes malheurs
N’est pas le seul mal qui me tue ;
C’est ta juste colère, ô grand Dieu d’équité !
Dans l’abîme où tu m’as jeté,
Je passe comme l’ombre et mon âme oppressée
Ôte à mes tristes yeux le repos du sommeil,
Je suis comme une fleur par le vent terrassée,
Qui se flétrit et meurt au coucher du soleil...
Élisabeth-Sophie CHÉRON
Extrait de Psaumes et Cantiques, 1694.