Paysage inverse
Ce soir le lac au ciel se marie en secret
Avec un bel anneau de turquoise rêveuse,
La verte chevelure éparse des yeuses
S’ogre comme Ophélie au miroir des forêts.
Les étoiles en fleurs frissonnent dans les rets...
Et la lune est une île où les âmes pêcheuses
Espèrent chaque nuit dans l’onde voyageuse
Le passeur haut dressé comme un fin minaret.
En subtile vapeur s’élève une prière
Que murmure le monde et porte la rivière
Et qu’un nuage épie en longeant le tillac.
Le passeur ne sait plus quand les lotus font voile
Si le lac vole ou si le ciel est dans le lac,
Parce qu’on a doublé le nombre des étoiles.
Maryse CHOISY.
Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.