Prière à la Vierge
I
Ô Mère, fille de Dieu,
Et reine des anges,
Devant qui s’inclinent Marc et Luc
Et Matthieu et tous les saints,
Gardez mon âme et mon corps,
Fleur de rose sans épine,
En priant Dieu
Qu’il ne vienne pas me juger
Selon mes erreurs,
Mais selon sa grande miséricorde.
II
J’ai commis tant de péchés.
Par ma folle folie,
Que, si je vivais mille ans
En dure pénitence,
J’ai de si grandes fautes
Que je n’en aurais point de salut
Si par sa miséricorde
Dieu ne me pardonne et me protège,
Non pour moi-même
Car je n’ai rien fait pour cela.
III
Car j’ai été faux et menteur
Envieux et voleur
Et je n’ai guère hésité
À pécher avec les femmes d’autruis,
Et j’ai été cupide et médisant
Et rusé et méchant
Et violent
Si je trouvais qui tromper ;
C’est pourquoi
J’avoue avoir été tout à fait ainsi.
IV
Et je n’ai pas, par moi(-même), le pouvoir
Et la force de me guérir ;
C’est pourquoi je viens vous demander merci,
Glorieuse Marie,
Afin que vous daigniez me secourir
De façon que grâce à vous je sois gardé
De tout mal
En ce monde vénal
Et déloyal,
Et que vous me donniez le bonheur éternel.
V
De même que Dieu naquit de vous
Et en reçut chair humaine,
Et votre virginité
Demeura entière et intacte,
Ainsi gardez-moi, s’il vous plaît,
Des ruses de la mort subite.
Je crois que je suis
Vraiment désolé
Et repenti
De tous mes péchés.
Lanfranc CIGALA.
Recueilli dans Poésie italienne du Moyen Âge,
textes recueillis, traduits et commentés
par Henry Spitzmuller,
Desclée De Brouwer, 1975.