Le visage

 

 

Partout mufles et groins et becs ensanglantés

Et dans la glace me regarde un oiseau triste

comme le gros hibou que raillent les enfants

pour qu’il devienne, autour des yeux vainement pathétiques,

une boule de peur.

Seul parfois

le visage d’un mort

est l’icône éphémère

qu’on ose à peine regarder.

L’icône est là pourtant

dans le mufle, le groin, le bec ensanglanté.

Il faudrait tant d’amour

pour que mes yeux lavés de larmes

la décèlent chez les vivants.

 

Réveille-toi, toi qui dors sur un coussin

à la poupe de notre barque.

Pacifie la tempête du cœur.

Qu’il soit

non le piège que le faux amour tend à Narcisse,

mais ce miroir de vérité où chacun voit

comme sur les tableaux des vieux maîtres

à travers mufles, groins et becs ensanglantés

le visage labouré d’épines

en fleurs.

 

 

 

Olivier CLÉMENT,

Déracine-toi et plante-toi dans la mer,

Éditions Anne Sigier, 1998.

 

 

 

 

 

 

 

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