J’ai peint tous mes souvenirs...

 

 

J’ai peint tous mes souvenirs à la chaux

Des visages blessés s’y reposent

Une vision plus vraie les habite

Les paroles n’ont plus le même sens

La cruauté des yeux s’efface, ainsi

Le mal perd sa trace sur la surface

Blanche d’un mur, d’un ciel vide.

Les pièges à chagrin ne dorent plus la chair

La méchanceté garance s’est fanée

Et les pires outrages deviennent pareils à

Des eaux qui coulent sous la terre.

Griefs et terreur ont la pâleur des bras

Qu’aucun plaisir nocturne ne distrait

L’amour n’est plus œuvre de chair

Dans la ménagerie des formes nues.

 

Sais-tu comment Madeleine aima le Christ ?

Sa joie, ses pleurs funèbres, son parfum

Était-elle immorale sa beauté ?

Et son cœur et l’éclat de ses yeux

Dieu ne les lui avait-il pas donnés ?

Et la frayeur de sa passion, son cri

Tellement le bonheur est un désir d’amour

Non un exploit charnel mais un besoin

Si tendre et si pieux que jamais ne connurent

Les malins luxurieux.

L’amer par la douceur et l’obscur par l’amour

Le lavoir des paroles devenu étang mort.

Ce bonheur était-il rencontre du hasard

Ou la substance odorante

De la femme pliée dans les bras de l’homme ?

Un visage de vie défie l’éternité

Avec l’élan du corps, les caresses heureuses

Le jeu des hanches cheminant ensemble

Sur la même route sacrée

La chevelure comme une bête fabuleuse

Cachant les épaules précieuses

Cachant le ventre en sa houle de source

Et pour finir la peine fatidique

L’adieu, le châtiment

La route sombre du tombeau

 

Les vieilles gens se rappellent

L’innocence, sa fumée pâle qui s’efface

Sur le bleu implacable du ciel.

 

Sais-tu comment Madeleine aima le Christ ?

 

 

 

René-Jean CLOT.

 

Recueilli dans L’atelier imaginaire,

Poèmes et réflexions, L’Âge d’Homme, 1989.

 

 

 

 

 

 

 

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