LE VIEUX MISSEL
1er COUPLET
SUR l’humble table où, seul, le soir
Je m’accoude afin de mieux suivre
Mon rêve d’or, il est un livre
Recouvert de maroquin noir,
Dont souvent j’ai lu chaque page,
Car c’est le cadeau qu’en partant
Ma grand’mère que j’aimais tant
Me laissa pour tout héritage.
REFRAIN
Sans gravures, ni fermoirs d’or,
Ce n’est qu’un petit livre austère,
Cependant, il vaut un trésor,
Le vieux missel que me légua grand’mère !
2e COUPLET
Comme un enfant quand ses jouets
Ont cessé de plaire, les brise,
Le temps d’une poussière grise
En a profané les feuillets ;
Mais à mes yeux pleins de tendresse
Ils ont l’éclat des premiers jours,
Car en eux je trouve toujours
Comme un parfum de ma jeunesse.
3e COUPLET
Lorsqu’en tremblant, du bout des doigts,
J’en tourne les pages ternies,
Je songe aux heures tant bénies
Et ravissantes d’autrefois.
Où, mêlant à mes boucles fines
Ses lourds bandeaux semés d’argent,
Bonne vieille au cœur indulgent,
Elle m’apprenait les matines.
4e COUPLET
Parfois, lorsque le doute affreux
Soudain m’assaille et me torture,
Vite, je reprends la lecture
Que jadis nous faisions tous deux,
Il me semble alors que la morte,
Afin de raviver ma foi.
Murmure encore auprès de moi,
Et mon âme devient plus forte.
5e COUPLET
Aussi fervemment, j’ai juré
De conserver toujours le livre
Où grand’mère m’apprit à vivre,
Comme on garde un objet sacré,
Puisque, témoins de ses alarmes
Et de mon bonheur, dans ses plis
Il est beaucoup de mots pâlis
Par mes baisers et par ses larmes.
6e COUPLET
Et puis, qui sait, à mes côtés,
Si Dieu dans sa bonté divine
Ne mettra pas quelque bambine
Aux grands yeux bleus et veloutés ;
La mignonne alors, toute seule,
Pour apprendre à lire à son tour,
Pourra feuilleter, chaque jour,
Le petit missel de l’aïeule.
REFRAIN
Sans gravures, ni fermoirs d’or,
Ce n’est qu’un petit livre austère,
Cependant il vaut un trésor
Le vieux missel que me légua grand’mère.
A. C. COCHE, 30 juillet 1898.
Paru dans La Sylphide en 1898.