Le crépuscule
(D’APRÈS SOURIKOV)
LE soleil, fatigué de sa course, décline,
Et l’on voit lentement,
Derrière la colline ;
Décroître la splendeur de son rayonnement.
À peine si, mourant et pâle, il jette encore
Au miroir de l’étang
Un reflet incolore
Dont il ne restera plus rien dans un instant.
Tout rentre, par degrés, dans l’ombre et le mystère,
Sans secousse, sans bruit.
Et le ciel et la terre
Se plongent dans la paix qui précède la nuit.
Par moments, on entend, s’envolant dans la brise,
Et par l’écho lointain
Répétée indécise,
Une vague chanson qui murmure et s’éteint.
Une étoile là-haut s’allume, la première,
Qui d’un regard ami
Fait tomber la lumière
Sur le monde déjà somnolent à demi.
Oui, le calme s’étend sur toute la nature ;
Tout s’apaise, excepté
Le chagrin qui torture,
Plus amer chaque jour, mon esprit tourmenté ;
Et tout va s’endormir, excepté la souffrance
Dont mon cœur est rempli...
Rends-moi donc l’espérance,
Ô Dieu juste et élément, ou donne-moi l’oubli !
Paul COLLIN,
Trente poésies russes,
1844.