Les petits tombeaux

 

 

En parcourant les cimetières,

On heurte le pied, quelquefois,

Dans les gazons touffus, aux pierres

De tombeaux très courts, très étroits.

 

Et, si l’on écarte les branches

Des saules pleureurs attendris,

On lit sur des croix toutes blanches

De petits noms d’enfants inscrits.

 

Or, voici l’histoire ordinaire :

Aux premiers temps, le marbrier

Y soigne les fleurs, et la mère

Y vient, chaque matin, prier.

 

Les jours passent, et les années,

Emportant tout, même les pleurs.

À la place des fleurs fanées

Bientôt on ne met plus de fleurs !

 

Le dirai-je ? la mère oublie,

Elle aussi, son pauvre envolé ;

C’est qu’un nouveau devoir la lie,

C’est que le nid s’est repeuplé !

 

Et, moi, je songe que, peut-être,

C’est le petit mort qui, là-haut,

À prié Dieu de faire naître

Un autre enfant dans son berceau.

 

Car l’âme pour le ciel choisie,

Qui n’a vécu que peu de jours,

Ne connaît pas la jalousie

Que la terre mêle aux amours.

 

Et Dieu, qui l’exauce, l’envoie,

Comme ange de son Paradis,

Veiller sur la nouvelle joie

De ceux qui l’ont pleuré jadis.

 

 

 

Paul COLLIN.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1891.

 

 

 

 

 

 

 

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