Le rappel
(imité de Rabindranath Tagore)
« À NOTRE FRANÇOISE. »
Il faisait nuit, enfant, lorsque tu nous quittas,
Il faisait nuit, et tu ne t’en souviens pas !
Tes petits pieds, ils ne sont jamais revenus,
Courir très doux et comme s’ils étaient nus.
Il fait nuit et ta mère est seule au coin du feu :
Si dans la nuit tu venais nous voir un peu ?
Il fait si noir : nulle étoile ne te verrait.
Tout dort si bien ! personne ne le saurait.
C’était l’hiver quand tu nous as quittés, si pâle,
Un jour trop court ; à présent, le jour est long :
Maintenant qu’il y a des fleurs, arrive donc !
Si tu prends dans l’ombre un seul petit pétale,
Il y en a tant qu’on ne s’en doutera pas :
Tu peux le prendre et retourner sur tes pas.
Ceux qui jouaient quand tu t’en allas, ma chérie,
Ils ont repris tout doucement leur jouet :
Toi, tu ne sais pas que le monde est ainsi fait.
Mais pourquoi ne viendrais-tu si je t’en prie,
Ne viendrais-tu pas, toi aussi, pour t’amuser,
Nous dérober la nuit un pauvre baiser ?
Ce soir de printemps, tu pourrais venir bien près :
Un seul baiser, qui te le reprocherait ?
Marguerite COMBES.
Recueilli dans Les poètes de la vie :
œuvres inédites d'auteurs contemporains,
choix de Louis Vaunois et Jacques Bour, 1945.