Suspens
Dehors, le vent frémit, tout prêt à se lever,
Mais les arbres ne le sentent pas encor...
Il semble que la nuit, avant de se sauver,
Nous dit tués, et que personne n’est mort.
Le feuillage du saule a l’air d’un brouillard froid
Sur la rivière où les petits flots ont peur ;
Ce n’est pas à cette heure-ci que le blé croît
Mais bien s’arrête, en cette pâle vapeur,
La vie au bord du monde ; et s’arrête le temps.
Celui qui dort dans son rêve est suspendu
Parmi les perles de la mer, et les instants,
S’il pleut, feignent de n’avoir rien entendu.
Car la Création doit un peu respirer
Pour mieux jouir de ses nouvelles couleurs ;
La poussière dans l’air pourrait les dévorer.
La main de Dieu pourrait trembler sur les fleurs !
Marguerite COMBES.
Recueilli dans Les poètes de la vie :
œuvres inédites d'auteurs contemporains,
choix de Louis Vaunois et Jacques Bour, 1945.