La lampe du Seigneur
Lorsque j’étais petite fille
Je raffolais des soirs d’été,
Des soirs bleus où la lune brille
Dans le ciel immense et lacté.
Aussi dans la chambre voilée
Dont l’obscurité fait frémir,
Réclamant la nuit étoilée,
Je refusais de m’endormir.
Et souriante en mes nuits noires,
Compatissante à mes moindres douleurs,
Ma grand’mère avec des histoires
S’appliquait à sécher mes pleurs.
« Pour que tu saches davantage
« Combien c’est vrai ce que je dis,
« Et pourquoi, si tu n’es pas sage,
« Tu n’iras pas au paradis,
« Je vais t’expliquer le mystère
« Des étoiles du soir lacté.
« Nul ne les compte sur la terre.
« Leur empire est illimité.
« Or parmi ces feux magnifiques
« Qui t’éblouissent, mon enfant,
« Un seul, aux seuls élus, indique
« La demeure du Dieu vivant !
« Tandis que les âmes coupables
« Cherchent à discerner en vain,
« Entre les astres innombrables,
La flamme du foyer divin. »
Seigneur, sur la route où je passe,
L’épreuve est longue et l’instant lourd...
Vous êtes loin... et je suis lasse...
Mais j’espère vous voir un jour.
Quand s’éteindront mes yeux de fange
Ternis par mes pleurs plus que par mes torts,
Vous m’enverrez peut-être un ange,
Un de mes petits frères morts,
Pour qu’il me guide à travers l’ombre,
Et me désigne à l’horizon,
Dans la ronde sans fin des étoiles sans nombre,
La lampe de votre maison.
Marguerite COMERT.
Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.