Pour l’arbre de Noël
OFFERT AUX ENFANTS
DE NOTRE-DAME DE CLIGNANCOURT
CELUI que cette nuit vit naître,
Chers petits enfants du faubourg,
Fut ouvrier, le divin Maître,
Comme vous le serez un jour.
Avant d’apporter le message
Du Ciel aux peuples ignorants,
Il a fait son apprentissage,
Humble et soumis, chez ses parents.
Dans son atelier, pauvre échoppe
Au toit de chaume, au mur de bois,
Avec sa hache et sa varlope,
Peut-être a-t-il taillé des croix ?
Oui, foulant la sciure fraîche
Qui de son établi tombait,
L’Homme-Dieu, né dans une crèche,
Prépara son futur gibet.
Noël ! C’est jour de gaîté franche,
Enfants qu’il aimait réunir
Autour de sa tunique blanche
Et de ses douces mains bénir.
Ce soir, par Jésus qui vous aime,
Ces jolis cadeaux sont offerts,
Que vous admirez ici même
Pendus à ces feuillages verts.
Soyez joyeux ! Il vous invite,
Chers petits, à rire, à chanter.
Hélas ! L’âge viendra trop vite,
Pour vous tous, des croix à porter.
Car tout chrétien aura la sienne,
Et son fardeau toujours est prêt.
Alors il faut qu’il se souvienne
Du charpentier de Nazareth.
Tous ou du moins en très grand nombre,
Ô fils du Paris suburbain,
Vous vivrez plus d’une heure sombre
Dans l’âpre lutte pour le pain.
Ah ! portez vos croix sans colère,
Puisque Jésus-Christ mort pour nous,
Sous ce poids, montant au Calvaire,
Tomba trois fois sur les genoux.
Et vous aurez pour récompense
D’aller au Ciel – il l’a promis –
Dans la paix et dans l’innocence,
Pour toujours, chers petits amis.
François COPPÉE,
Poésies complètes, 1925.