Vie antérieure

 

 

S’il est vrai que ce monde est pour l’homme un exil

Où, ployant sous le faix du labeur dur et vil,

Il expie en pleurant sa vie antérieure ;

S’il est vrai que dans une existence meilleure,

Parmi les astres d’or qui roulent dans l’azur,

Il a vécu, formé d’un élément plus pur,

Et qu’il garde un regret de sa splendeur première,

Tu dois venir, enfant, de ce lieu de lumière

Auquel mon âme a dû naguère appartenir ;

Car tu m’en as rendu le vague souvenir,

Car en t’apercevant, blonde vierge ingénue,

J’ai frémi comme si je t’avais reconnue,

Et lorsque mon regard au fond du tien plongea,

J’ai senti que nous nous étions aimés déjà,

Et depuis ce jour-là, saisi de nostalgie,

Mon rêve au firmament toujours se réfugie,

Voulant y découvrir notre pays natal ;

Et dès que la nuit monte au ciel oriental,

Je cherche du regard dans la voûte lactée

L’étoile qui par nous fut jadis habitée.

 

 

 

François COPPÉE.

 

Paru dans La Sylphide en 1901.

 

 

 

 

 

 

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