Aveu de la propre indignité
Seigneur, si je m’arrête au peu que je mérite,
Je ne puis espérer tes consolations,
Ni que du haut du ciel ta secrète visite
Daigne adoucir l’aigreur de mes afflictions.
Je n’en fus jamais digne, et lorsque tu me laisses
Dénué, pauvre, infirme, impuissant, éperdu,
Tu ne fais que justice à mes lâches faiblesses,
Et ce plein abandon n’est que ce qui m’est dû.
Je force ma mémoire à retracer ma vie,
Et n’y vois que désordre et que dérèglement,
Qu’une pente au péché honteusement suivie,
Qu’une morne longueur pour mon amendement.
Tout confus que je suis de me voir si coupable,
Que dirai-je, sinon : j’ai péché, mon Sauveur,
J’ai péché, mais pardonne, et d’un œil pitoyable,
Regarde un criminel qui demande faveur.
Car enfin tu ne veux d’une âme ensevelie
Dans cette juste horreur que lui fait son péché,
Sinon qu’elle s’accuse et qu’elle s’humilie
Sous le saint repentir dont le cœur est touché.
Pierre CORNEILLE.
Recueilli dans Poètes de Jésus-Christ,
poésies rassemblées par André Mabille de Poncheville,
Bruges, Librairie de l’Œuvre Saint-Charles, 1937.