Que la Vérité parle au dedans du cœur

sans aucun bruit de paroles

 

 

Parle, parle, Seigneur, ton serviteur écoute :

Je dis ton serviteur, car en fin je le suis ;

Je le suis, je veux l’être, et marcher dans ta route

            Et les jours et les nuits.

 

Remplis-moi d’un esprit qui me fasse comprendre

Ce qu’ordonnent de moi tes saintes volontés,

Et réduis mes désirs au seul désir d’entendre

            Tes hautes vérités.

 

Mais désarme d’éclairs ta divine éloquence ;

Fais-la couler sans bruit au milieu de mon cœur :

Qu’elle ait de la rosée et la vive abondance

            Et l’aimable douceur.

 

Je ne veux ni Moïse à m’enseigner tes voies,

Ni quelque autre prophète à m’expliquer tes lois ;

C’est toi qui les instruis, c’est toi qui les envoies,

            Dont je cherche la voix.

 

Comme c’est de toi seul qu’ils ont tous ces lumières

Dont la grâce par eux éclaire notre foi,

Tu peux bien sans eux tous me les donner entières,

            Mais eux tous rien sans toi.

 

Ils peuvent répéter le son de tes paroles,

Mais il n’est pas en eux d’en conférer l’esprit,

Et leurs discours sans toi passent pour si frivoles

            Que souvent on en rit.

 

Qu’ils parlent hautement, qu’ils disent des merveilles,

Qu’ils déclarent ton ordre avec pleine vigueur ;

Si tu ne parles point, ils frappent les oreilles

            Sans émouvoir le cœur.

 

Ils sèment la parole obscure, simple et nue

Mais dans l’obscurité tu rends l’œil clairvoyant,

Et joins du haut du ciel à la lettre qui tue

            L’esprit vivifiant.

 

Leur bouche sous l’énigme annonce le mystère,

Mais tu nous en fais voir le sens le plus caché ;

Ils nous prêchent tes lois, mais ton secours fait faire

            Tout ce qu’ils ont prêché.

 

Ils montrent le chemin, mais tu donnes la force

D’y porter tous nos pas, d’y marcher jusqu’au bout

Et tout ce qui vient d’eux ne passe point l’escorce,

            Mais tu pénètres tout.

 

Ils n’arrosent sans toi que les dehors de l’âme,

Mais sa fécondité veut ton bras souverain ;

Et tout ce qui l’éclaire, et tout ce qui l’enflamme

            Ne part que de ta main.

 

Ces prophètes enfin ont beau crier et dire,

Ce ne sont que des voix, ce ne sont que des cris,

Si pour en profiter l’esprit qui les inspire

            Ne touche nos esprits.

 

Parle donc, ô mon Dieu ! ton serviteur fidèle

Pour écouter ta voix réunit tous ses sens,

Et trouve les douceurs de la vie éternelle

            En ses divins accents.

 

Parle pour consoler mon âme inquiétée ;

Parle pour la conduire à quelque amendement ;

Parle, enfin que ta gloire ainsi plus exaltée

            Croisse éternellement.

 

 

 

Pierre CORNEILLE.

 

Extrait de L’Imitation de Jésus-Christ, Livre II.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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