À un enfant
C’est pour toi, doux enfant, que l’existence est belle :
Quand on vit dans les fleurs, quand on suit l’hirondelle,
Quand on voudrait tout voir,
Que, fatigué de rire et fatigué de plaire,
On vient poser son front sur le cœur de sa mère.
Heureux sans le savoir...
Sous les chênes altiers qui bercent leur feuillage
Tu cours près des ruisseaux, sans voir que ton image
Est peinte en leur miroir.
Tu ne t’aperçois pas qu’assis au bord de l’onde
Nous t’admirons, enfant à l’auréole blonde,
Si beau sans le savoir !
Tu passes parmi nous, ainsi qu’une lumière,
Un parfum enivrant que la brise légère
Nous apporte le soir,
Enfant tendre et craintif, symbole d’espérance,
Ange doux et joyeux, si plein de confiance,
Si pur sans le savoir...
Le monde te sourit, la famille te fête :
Tu n’as que des amis pour veiller sur ta tête
Et faire ton vouloir.
Ah ! Sais-tu qu’aux aînés ton bonheur fait envie,
Enfant, heureux enfant qui traverses la vie,
Aimé sans le savoir ?
Ton cœur, à nos défauts, facilement pardonne,
Ta main aime à s’ouvrir pour tous ceux qu’abandonne
Le doux rêve d’espoir.
Reste comme aujourd’hui pendant ta vie entière :
Aimant et charitable, et candide, et sincère,
Et bon... sans le savoir.
Marguerite de COURONNEL.
Paru dans L’Année des poètes en 1895.