Fleur des hautes Alpes
Elle est sur les sommets, loin des lacs enchanteurs,
Voisine des glaciers qui couvrent les hauteurs
De quelque région par la mort envahie,
Cette fleur aux confins des mondes habités,
Prés des pics d’où l’hiver a banni les étés,
C’est un dernier sourire au déclin d’une vie...
On l’eût foulée aux pieds dans quelque val obscur,
Tandis qu’à ces hauteurs elle arrête, on l’admire ;
Elle est si blanche, là, riante sous l’azur !
– Qu’une autre, plus coquette, au bord des lacs se mire,
C’est qu’elle doute encor, par là, de ses beautés ;
La fleur de l’Alpe sait qu’elle est durable et belle,
Que, si l’onde jamais ne reste à ses côtés,
Chaque aurore lui rend une fraîcheur nouvelle.
Et ne dirait-on pas qu’elle recherche aussi,
Par delà le soleil qui chauffe mal les cimes,
Un soleil plus ardent, des rayons plus sublimes ;
Qu’elle a, bien plus que nous, pauvrette, le souci,
En s’approchant des cieux, de se faire petite
Pour donner moins de prise au souffle qui l’agite,
Et, qu’avant de mourir, elle se hâte un peu
De verser dans les airs, de sa corolle pleine,
Des parfums plus exquis que ses sœurs de la plaine,
Comme un frêle encensoir posé plus près de Dieu ?
M.-A. COUSOT.
Paru dans L’Année des poètes en 1890.