Hymne
C’est beau le jour.
Belle est la nuit.
Belle aussi la lumière,
et le cœur, comme un vase comble.
Je sens l’essor d’un chant
monter en moi
et je chante.
Louange et reconnaissance
pour les pieds si sagement articulés,
qui me portent d’un endroit à l’autre,
qui courent, incités,
après les papillons errants des champs,
que je plie quand je récite ma prière,
que je ramasse sous moi
quand je me blottis aux pieds du Bien-Aimé,
et qui trament des danses légères
lorsque des nostalgies me traversent.
Louange et reconnaissance
pour les bras si sagement bâtis
que je lève,
suppliants,
vers le ciel,
dont, heureuse, j’enlace le cou
de celui que je chéris,
ces bras, qu’envieuse,
j’étends vers le fruit qui me tente,
ces bras qui, tellement soumis,
peinent toute la journée
et qu’en une danse
je fais ondoyer pour le Bien-Aimé.
Louange et reconnaissance
pour le corps souple,
pour les os fermes et moelleux,
pour les vaisseaux qui irriguent,
pour les muscles élastiques
qui créent le mouvement,
pour le cœur et pour son battement
qui mesure la vie,
pour le soufflet des poumons
et pour l’estomac broyeur,
pour le feu coulant du sang
et pour l’antre où, mystérieusement,
s’allume une vie nouvelle.
Louange et reconnaissance
surtout
pour les merveilleuses antennes
des sens
par lesquelles on connaît le monde
et l’on s’en réjouit.
Louange et reconnaissance
pour l’instant absolu
où je peux appeler frère tous et tout
l’oiseau du ciel,
le poisson de l’eau,
la bête de la forêt,
l’étoile incertaine,
la pierre immobile,
le soleil éblouissant.
Louange et reconnaissance
pour l’œil contemplateur
dans le rayon duquel
toute la création chante...
Louange et reconnaissance
pour le fait
que j’existe,
que j’aime
et que je chante.
Angéla CROITURU-GHELBER.
Paru dans La Vie spirituelle en juillet-août 1974.