Bonheur
Aux poètes.
Poète, douce voix du monde,
Religieux de la Beauté,
Célèbre la lumière blonde
Dans le chaud décor de l’été ;
Contemple au flanc de la colline
Le frêle arbuste qui s’incline
Amoureusement vers la fleur ;
Dans le fleuve où l’azur se mire,
Dans la fraîche campagne admire
L’emblème riant du bonheur.
Il t’est doux d’aimer la nature,
De goûter l’extase du Beau
Et de te sentir, créature,
Créateur qui porte un flambeau.
Poète vêtu de lumière,
Rends l’homme à l’ivresse première,
Gagne le monde à ta ferveur.
As-tu déjà frémi de joie
Sans que ton large regard voie
Quelque part un trait du bonheur ?...
Entends le ruisseau qui murmure
Son alerte et claire chanson,
Écoute la souple ramure
En son mélodieux frisson ;
Poète, lorsque le soir glisse
Savoure encore avec délice
Les hymnes de l’oiseau chanteur.
Que ne peux-tu rendre infinies
Ces ravissantes harmonies,
Douce musique du bonheur !
Parfum de rose épanouie,
Volupté du goût satisfait,
Pur tableau, musique inouïe,
Court plaisir sans durable effet,
Pouvez-vous leurrer le poète
Qui ne cesse, l’âme inquiète,
D’appeler le repos du cœur ?
Mon frère, à jamais reste une âme
Et qu’un pur idéal t’enflamme,
Noble pèlerin du bonheur !
Tu tressailles de tout ton être
De voir soudain dans ton cerveau
Tant d’éclairs, tant de pensers naître,
Mourir et briller de nouveau.
Ô poète habile à répandre
De purs rayons sur de la cendre,
Tu réchauffes à ton ardeur
Les cœurs glacés par la détresse,
Tu ranimes sous ta caresse
Les âmes mortes au bonheur.
Un bonheur suavement brille
À travers les humains sentiers :
L’intimité de la famille
Et le charme des amitiés.
Ô poète, faut-il encore
Pour combler tes vœux faire éclore
En ton ciel un astre vainqueur ?...
Le brillant soleil de la gloire,
Doux poète, veuille le croire,
N’offre que l’envers du bonheur.
À la tristesse, à la souffrance,
Tendre poète, as-tu chanté
La berceuse de l’espérance,
Si douce pour l’humanité ?...
Révèle à ceux qu’un doute oppresse
La foi, l’espoir et la tendresse
Qui transfigurent la douleur.
Chante et console sans relâche :
Ton heureuse et sublime tâche
T’ouvre le chemin du bonheur.
Anne-Marie d’AMOURS.