Vocation

 

 

S’en aller – ce songe est le mien ! –

Le front levé, l’âme ravie,

Par les routes et par la vie,

Mage, sorcier, bohémien ;

 

Répéter la bonne-aventure

Aux passants qui n’écoutent pas

Et préfèrent vivre ici-bas

Sans penser à la mort future ;

 

À toute heure ainsi qu’en tout lieu,

Proclamer, comme les prophètes,

Que c’est fini, le temps des fêtes,

Qu’avant peu c’est l’instant de Dieu ;

 

Dire : « Cette vie est si brève

« Qu’auprès de l’Éternellement

« Elle dure moins qu’un moment

« Et n’est que le rêve d’un rêve !

 

« C’est pourquoi je passe avertir

« – Étant le clairon qui précède

« CELUI duquel noua vient toute aide –

« Qu’il va falloir se repentir ! »

 

Mais, je le sais bien ! mes paroles

Seront d’inutiles rumeurs,

Et j’irai, frère des semeurs

Qui jettent, au vent, des corolles ;

 

Les hommes, détournant les yeux,

S’écarteront tous de ma route,

Anxieusement près du doute

Que, peut-être ! je viens des cieux.

 

– Or, pareil au vieux patriarche

Auquel Dieu parlait autrefois,

Chaque nuit, j’entends une voix

Qui m’éveille et qui me dit : « Marche ! »

 

 

 

Rodolphe DARZENS.

 

Paru dans La Grande Revue en 1888.

 

 

 

 

 

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