La source d’Ardenne
Ô source solitaire
Qui jaillis du rocher,
Dans la grande rivière
Tu veux donc t’épancher ?
Pourquoi fuir notre Ardenne,
Ton gracieux berceau ?
Sois la pure fontaine
Qui sourit au hameau.
L’Ourthe majestueuse,
Crois-moi, quitte à regrets,
Pour entrer dans la Meuse,
Nos monts et nos forêts.
La fauvette charmante
Vient boire sur tes bords :
C’est pour toi qu’elle chante
Ses plus jolis accords.
À ton onde limpide,
Dans les bosquets touffus,
La bergère timide
Vient baigner ses pieds nus.
Près de toi l’enfant cueille
Le bleu myosotis,
Le rose chèvrefeuille,
L’anémone et l’iris.
À l’ombre du vieux chêne
Dont tu baignes le pié,
Le vieillard sent sa peine
S’adoucir de moitié.
Oh ! demande au rivage
De la Meuse et du Rhin,
Que de fois sur leur plage
Coula le sang humain !
Nul n’est puissant, chère onde,
Qu’aux dépens du bonheur,
Et l’humble dans ce monde
Est béni du Seigneur.
Auguste DAUFRESNE DE LA CHEVALERIE.
Recueilli dans Anthologie belge, publiée sous le patronage du roi
par Amélie Struman-Picard et Godefroid Kurth,
professeur à l’Université de Liège, 1874.