Chant de mort
Il est mort ! il est mort !... mort sur le grand chemin,
Et mort là de misère
Après avoir posé sur la borne de pierre
Un dur morceau de pain....
Un autre malheureux en aura l’héritage !
Il a dû bien souffrir !... voyez sur son visage
Quels sillons de douleurs !...
Un regard de pitié, passant ! une prière !...
Il est mort d’abandon... et c’était votre frère...
Ah ! versez quelques pleurs !
Des papiers !... qu’était-il ? son âge est d’un vieillard,
Son pays est l’Espagne ;
C’était de ces soldats que jeta la montagne,
Au Carliste étendard ;
Proscrit, il accepta l’obole de la France ;
Il rentrait... il tomba vaincu par la souffrance
Sans revoir son pays !
Son visage est tourné vers sa terre chérie,
Ses yeux en s’éteignant croyaient voir sa patrie,
Peut-être ses amis !
Maigre, déguenillé, sortant de l’hôpital,
Sous la bise glacée
Il traîna jusque là sa misère harassée,
C’était le but fatal !
Et là, laissant tomber sa dépouille mortelle,
Son âme vola libre à la zone éternelle,
À la zone d’amour
Où Dieu jette un regard aux maudits de la terre,
Et fait de ceux qui n’ont connu que sa colère
Des heureux à leur tour !
A. DAVENNE.
Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1860.