Soirs d’hiver
Sous le ciel brumeux nous marchons ensemble ;
La lune éclaire l’horizon.
Ce n’est plus le temps où l’Avril rassemble
Les faucheurs pour la fenaison.
Ce n’est plus le temps où la brise folle
Court, par les champs et les vergers,
Effeuiller la fleur humide qu’affole
L’essaim des papillons légers.
Ce n’est plus le temps où les grappes blanches
Baignent du lac les grandes eaux ;
Où tous les ravins, où toutes les branches
Se garnissent de nids d’oiseaux ;
Où les amoureux s’en vont par centaines
À l’ombre des sentiers discrets,
Cueillir à foison les moissons certaines :
Fleurs nouvelles et vieux secrets.
Et pourtant ma main s’attache à la tienne,
Ma lèvre baise tes cheveux,
Et ma bouche dit l’éternelle antienne
Faite de soupirs et d’aveux,
Et, ton bras passé sous le mien qui tremble,
Et, tes doigts par le froid raidis,
Comme deux élus nous marchons ensemble
Sur le chemin du Paradis.
Jules DAVEIGNO.
Paru dans L’Année des poètes en 1893.