Les grandes voix
(FRAGMENT)
Post tenebras lux.
Je cherche le Seigneur, j’ai soif de le connaître ;
Dans ce vaste univers, je sens partout son être,
Je vois partout sa main ;
Mais de son nom sacré pour sonder le mystère,
Pour savoir si ce nom est bien celui de Père,
Je l’interroge en vain !
Quand la nuit sur la terre a déplié ses voiles,
Et qu’elle a suspendu par millions les étoiles
À la voûte des cieux,
Dans l’espace sans borne où mon regard s’élance,
Émerveillé, ravi, je contemple en silence
Ces astres glorieux.
Je sais que chacun d’eux est le centre d’un monde
Qu’il entraîne avec lui, qu’il éclaire et féconde
De ses ardents reflets ;
Qu’ils s’attirent l’un l’autre à travers leurs distances,
Et vont entrelaçant leurs orbites immenses
Sans se heurter jamais ;
Je sais que notre terre est un point dans l’espace
Dont vainement un jour on cherchera la trace,
Un atome perdu,
Que les astres voisins aperçoivent à peine,
Ou qui, dans les rayons de quelque étoile reine,
Disparaît confondu !
Que suis-je donc alors sur ce grain de poussière,
Moi qui n’ouvris qu’hier mes yeux à la lumière
Et qui mourrai demain ?
Devant le Dieu du ciel, je suis saisi de crainte :
Me voit-il ? M’entend-il ? Écoute-t-il ma plainte ?
Me tendrait-il la main ?
Ah ! dans cet infini, peuplé d’astres sans nombre,
Dont les froides clartés descendent dans notre ombre,
Rien ne dit sa bonté ;
La grandeur de ce Dieu m’épouvante et m’oppresse ;
Je ne suis que néant, je ne suis que faiblesse,
Il est l’immensité !
A. DECOPPET.
Paru dans L’Année des poètes en 1896.