Là-bas il est un lieu...

 

 

Là-bas il est un lieu tout rempli de mystère

          Que n’ont point foulé les pas,

        Le monde ne le connaît pas.

La douce paix y règne, et l’âme solitaire

S’y complaît, s’y recueille et fuit loin de la terre.

              C’est là que bien souvent

Le soir je viens porter ma rêveuse tristesse,

        N’écoutant que le bruit du vent

Dont l’aile fuit rapide et doucement caresse.

D’un tertre qui s’élève et qui semble un autel,

À travers le feuillage on découvre le ciel ;

Une source y jaillît, et de son onde pure

              Si tendrement murmure,

Qu’il semble, sur un luth, qu’on chante l’Éternel.

C’est là que j’entendis des concerts d’harmonie

            Comme au divin séjour ;

C’est là que j’entretins un céleste génie,

Que je rêvai la joie et l’ivresse infinie

            De l’ineffable, amour ;

C’est là que j’ai souffert, aimé, connu la vie,

        Le front courbé sous la douleur ;

C’est là que j’ai voulu retrouver cette fleur

        Qui fut à mon âme ravie

        Et que l’on nomme le bonheur.

Chante, petit oiseau, je veux t’entendre encore.

        Dans cet asile où je te vois,

        Chante dès que paraît l’aurore,

        Dès le premier rayon qui dore

        Le verdoyant sommet des bois.

        Quand j’ai pleuré, ta voix chérie

        S’unit à mes tristes accents.

        Alors, dans mon âme attendrie,

        De tous mes chagrins renaissants

        Un instant la source est tarie.

        Ah ! lorsque du dernier sommeil

        Je dormirai sous cet ombrage

        Et sans douleur et sans réveil,

        Chante toujours dans ce bocage.

 

 

           1853.

 

 

Albert DECROIX, Fleurs d’un jour, 1856.

 

 

 

 

 

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