La clef
C’est une clef toute petite
Mais elle ouvre plus grand ton âme :
La clef fine comme une lame
Qui au bord de ton cœur hésite.
Je l’ai trouvée à la rivière
Dont l’eau court à travers les songes,
Maigre parcelle prisonnière
De ma paume offerte aux mensonges
Du sable qui luit et qui coule
Entre mes doigts gantés de vide,
Dans l’eau lisse que l’herbe ride
Et le vent que les biches roulent.
Elles savent de museaux tièdes
Frôler le miroir où remonte,
À l’appel de mes mains inquiètes,
Le secret qui m’ouvre le monde.
Il dort au plus doux de ta fièvre,
Coffret de marbre sans serrure,
Demeure dont ton âme est sûre
Mais qui cède au souffle des lèvres.
Elle tourne dans ton absence,
Puis la mord de sa bouche fine,
Ô cri que nulle voix n’incline,
La clef faite avec mon silence.
Christian DÉDÉYAN.
Recueilli dans Les poètes de la vie :
œuvres inédites d'auteurs contemporains,
choix de Louis Vaunois et Jacques Bour, 1945.