Examen

 

 

Souvent je m’interroge et me dis à moi-même ;

Mais quels malheurs réels causent donc ton chagrin ?

Et je hausse l’épaule, et je crains qu’un blasphème

N’insulte à ce Dieu bon qui règle mon destin.

 

Mais que me fait, plongé dans la mélancolie,

De ma froide raison l’éternel démenti ?

Que m’importent ces mots : songes creux ou folie ?

Un mal imaginaire en est-il moins senti ?

 

C’est qu’il existe en nous d’indicibles souffrances,

Des élans instinctifs vers un état meilleur,

D’inexplicables vœux, de vagues espérances,

Le sentiment inné d’un éternel bonheur ;

 

C’est qu’un cœur, dont le ciel doit être le partage,

A des désirs trop grands qu’il ne peut contenter ;

C’est que pour nous la terre est un lieu de passage,

Et nous nous y fixons comme pour y rester !

 

C’est que, par le contact d’un monde où tout s’altère,

Notre âme à la vertu dit un facile adieu ;

C’est que l’homme s’abuse et demande à la terre

Ce repos, ce bonheur, qui n’est qu’en toi, mon Dieu !

 

 

 

P.-J.-F. DE DECKER, Religion et Amour.

 

 

Recueilli dans Anthologie belge, publiée sous le patronage du roi

par Amélie Struman-Picard et Godefroid Kurth,

professeur à l’Université de Liège, 1874.

 

 

 

 

 

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