Affirmation
Parfois, las de bêcher mon cerveau, champ stérile,
Ramassant ma pensée ainsi qu’un projectile
Dans mon poing qui se crispe, – au loin, je ne sais où,
Au hasard, devant moi, je lance ce caillou !
Et je crie : « Il n’est pas de Dieu ! Je suis stupide
D’en chercher un ! Le monde est creux ! Le ciel est vide !
L’ombre où nous nous mouvons, ombre nous-même, hélas !
N’est l’ombre de personne... Il n’est rien ! Dieu n’est pas. »
Et pendant que je roule avec d’affreux blasphèmes
Dans la poussière noire, et que mes ongles blêmes
Me déchirent, – soudain, terreur sainte ! je sens
Palpiter à travers les lambeaux rougissants
Que j’arrache à mes os, et suinter par mes pores
Comme du ciel crevé le pur sang des aurores,
Je sens par tous les coins de ma chair et par tous
Les sanglots furieux de ma veine en courroux
Sourdre, et de toutes parts, jets brûlants, pourpre altière,
Jaillir, monter, pleuvoir en gouttes de lumière
L’être que me cachait tout l’univers moqueur,
Et le Dieu blasphémé ruisselle de mon cœur !
Paul DELAIR, Testament poétique.
Recueilli dans les Suppléments à l’Anthologie
des poètes français contemporains, 1923.