À maman
Notre père est parti, mais du moins tu nous restes
Et nous te garderons, touchante veuve en deuil,
Pauvre Maman si douce avec tes petits gestes,
Qui ne connus jamais le vice ni l’orgueil.
Te voici toute seule à présent, frêle chose
Trottinante et sans bruit – oh ! ton cher petit dos ! –
Notre mère aux grands yeux, encore fraîche et rose,
Visage coutumier sous d’éternels bandeaux.
Rien de toi n’a changé. C’est le même silence
Fait d’abnégation et de timidité.
Toujours nous t’aurons vue, humble dans ta bonté
Qui ne se lasse point, qui toujours recommence.
Sans cesse tu donnas et ne demandas rien,
Cœur innocent, candide, étranger aux intrigues.
En échange des soins de tes deux mains prodigues,
Peut-être voulais-tu qu’on t’aimât toujours bien.
Tes mains, tes bonnes mains ! Ma tendresse les baise
Respectueusement, longuement, à genoux.
Si je te le disais, tu serais mal à l’aise
Et me repousserais avec un rire doux.
Autrefois, au milieu de ta grande famille,
Tu vivais, poule heureuse après la couvaison.
Maintenant tes poussins ont grandi. Chaque fille
À son tour a quitté, comme un nid, la maison.
Elles vivent ailleurs, toutes si dissemblables
Qu’on ne les croirait point venant du même essaim.
Toutes ont cependant sucé ce même sein
Qui dort, vieilli parmi tes robes raisonnables.
Comme on t’aime toujours ! Oui, passionnément.
Pourquoi n’ose-t-on pas en face te le dire ?
C’est qu’on craint ta rougeur, tes yeux, ton petit rire...
– Mais la voix tremble un peu quand on te dit : « Maman. »
Lucie DELARUE-MARDRUS, Par vents et marées.
Recueilli dans Les poèmes du foyer.