Poème du sang
Seigneur, me voici devant vous
comme à l’heure de mon baptême.
Je vous apporte à deux genoux
l’humble bouquet de mes poèmes.
Celui que je n’ai pas fini
– j’avais la tête si légère ! –
Cet autre encore, et celui-ci
que j’ai gardé dans ma misère.
Et les cantiques sous les pas,
et la morsure de l’automne.
Une abeille un jour s’arrêta
comme la grâce qui se donne.
Voici ce qui reste de moi :
une rose avec son épine,
un peu d’amour et quelquefois
l’aiguille au cœur de l’aubépine.
Un cri, un geste, une chanson,
la tendresse d’une parole ;
pêle-mêle dans la moisson,
le blé mûr avec l’herbe folle.
Voici mon poème de sang,
ma vigne d’ombre et de lumière.
J’y ai mis mon âme en passant
comme la graine sous la pierre.
Gilbert DELAHAYE,
Les Racines du Cœur, 1960.
Recueilli dans
La nouvelle poésie belge d’expression française,
anthologie 1950-1960,
préfacée par Pierre-Louis Flouquet,
Unimuse, 1961.