Prière pour les arbres
Il y a longtemps que j’espère
et si j’allais en paradis,
j’inventerais une prière
pour les arbres de mon pays.
Pour le bouleau qui se balance
et perd son âme dans le vent,
et pour l’écorce et pour la branche
qui craquent sous le poids du temps.
Pour le peuplier solitaire,
les feuilles mortes de l’oubli,
pour les étoiles sous la terre
et les printemps ensevelis.
Pour le cerisier qui s’obstine
et va, de saison en saison,
changer de sève et de racines
et prendre fleur à l’horizon.
Vergers lointains, forêts que j’aime,
arbres parmi les champs debout,
pommiers fleuris de mes poèmes,
lorsque je reviendrai vers vous,
serait-ce en mai ou en décembre,
j’aurai conservé mon sarrau.
Même si la mort nous rassemble,
je vous parlerai des oiseaux.
Gilbert DELAHAYE,
Les Racines du Cœur, 1960.
Recueilli dans
La nouvelle poésie belge d’expression française,
anthologie 1950-1960,
préfacée par Pierre-Louis Flouquet,
Unimuse, 1961.