Printemps dans la rue

 

 

Comme ce ciel est beau qui roule son azur

              En fleuve au-dessus de la rue,

              Si beau qu’on croit, sur son flot pur,

Voir la barque du Christ dans sa gloire apparue !

 

En face, un marronnier qui surplombe un toit gris

              Semble brasiller dans l’aurore.

Comme un arbre prend donc d’importance à Paris

              Parmi de vieux murs qu’il décore !

 

Celui-ci flambe dans les feux de l’Orient,

              Vibre et crépite sur la pierre,

              Puis, un à un, laisse, en riant,

Ses bourgeons éclater dans un flot de lumière.

 

Des cris d’enfants fondus avec des chants d’oiseaux

              Ont des notes si cristallines,

Qu’ils évoquent le bruit presque froid des ruisseaux

              Qui dégringolent des collines.

 

Cette fraîcheur des sons dans la fraîcheur de l’air

              Et ces fluidités soudaines

              D’eau courante sur notre chair

Nous font, partout, chercher dans le ciel des fontaines.

 

Tous ces gens qui s’en vont, ce matin comme hier,

              À leur même besogne obscure,

Ont le pas plus dansant et le regard plus fier

              De ceux qui tentent l’aventure.

 

Pour qu’un terne décor qu’ils ne savaient pas voir

              S’épure et se métamorphose,

              Il a suffi que, du trottoir,

Ils relèvent leurs yeux vers ce ciel d’un bleu-rose,

 

Et tendent, comme un vase, aux fontaines du jour

              Leur âme altérée et ravie,

Pour qu’y tombent à flots l’espérance et l’amour

              Qui sont les sources de la vie.

 

 

 

André DELACOUR, Les Saisons et les Jours.

 

 

 

 

 

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