Des cœurs humbles et doux
La loi du Christ ne peut être vécue que par des cœurs humbles et doux. C’est la douceur et l’humilité qui sont – dans l’amour filial à Dieu, fraternel aux hommes – les traits mêmes de Jésus-Christ.
Quels que soient leurs dons personnels, leur place dans la société, leurs fonctions ou leurs biens, leur classe ou leur race, quel que soit le développement de la puissance et de la science humaines, quelle que soit la découverte de la prodigieuse évolution de l’humanité et de son histoire, les chrétiens restent de petites gens : des petits.
Petits devant Dieu parce que créés par lui et dépendants de lui. Quels que soient les cheminements de la vie et de ses biens, en toute chose Dieu est à l’origine et au terme.
Doux comme des enfants faibles et aimants, près du Père fort et aimant.
Petits parce que se sachant devant Dieu, sachant peu de choses, capables de peu de choses, limités en connaissance et en amour.
Ils ne discutent pas la volonté de Dieu dans les événements qui arrivent, ni ce que le Christ leur a commandé de faire pour que, dans ces événements, ils fassent eux-mêmes, pour leur part, la volonté de Dieu.
Doux comme les exécutants confiants et actifs d’une œuvre dont l’énormité leur échappe mais où ils connaissent leur tâche.
Petits devant les hommes. Petit, pas grand homme, pas important : sans privilège, sans droits, sans possession, sans supériorité. Doux parce que tendrement respectueux de ce que Dieu a fait et qui est blessé, violé par la violence. Doux parce qu’eux-mêmes sont victimes du mal et contaminés par lui.
Tous ont vocation de pardonnés, non d’innocents.
Le chrétien est voué au combat. Il n’a pas de privilège, mais mission de triompher du mal. Il n’a pas de droit, mais le devoir propre de lutter contre le malheur, conséquence du mal.
Pour cela, il n’a qu’une seule arme : sa foi. Foi qu’il doit annoncer, foi qui transforme le mal en bien, s’il reçoit lui-même la souffrance comme une énergie de salut pour le monde ; si mourir est pour lui donner la vie ; si toute douleur d’autrui devient la sienne.
Dans le temps, par sa parole et par ses actes ; par sa souffrance et par sa mort, il travaille comme le Christ, avec le Christ et par le Christ.
Madeleine DELBRÊL,
La joie de croire, Seuil, 1968.