Joie

 

 

Je regarde passer des enfants et des femmes

Riant, jasant, flots de fraîcheur dans la lumière.

La joie et la candeur des choses et des âmes

S’élèvent vers l’azur ainsi qu’une prière.

 

C’est la vie adorable et simple, aux lèvres blondes,

Qui passe devant moi par cette matinée

Où toute la vigueur et la sève du monde.

Éclatent, rires clairs comme un chant d’hyménée.

 

C’est le fouillis des fleurs, des herbes, c’est l’orgie

Des parfums violents et des couleurs ardentes,

C’est un ruissellement d’amour et d’énergie

Qui coule du grand ciel sur la terre vibrante.

 

La respiration des blés sur la colline

Vient jeter des rayonnements d’apothéose,

La forte voix des vents soulève ma poitrine,

Sur moi je sens pleuvoir un déluge de roses.

 

Dans les pacages clairs de blancs poulains s’ébattent,

Cabrant splendidement leur liberté sauvage,

Et sous le ciel de feu des pavots écarlates

Sont les gouttes de sang du fougueux paysage.

 

La vallée et la plaine et la ville flamboient :

Tout n’est que renouveau, jeunesse, espoir, sourire :

Triomphe universel et sacré de la Joie

Qui fait le monde harmonieux comme une lyre.

 

Ô joie ! ô joie ! fraîcheur des eaux, des forêts vertes !

Clarté ! source de vie et de fécondité...

Je laisserai mon âme et ma croisée ouvertes

À l’immense rumeur joyeuse de l’été.

 

 

 

Henri DELISLE, Heures.

 

Recueilli dans Poètes du Nord 1880-1902 :

Morceaux choisis, par A.-M. Gossez, 1902.

 

 

 

 

 

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